13

ALLART était assis près de Cassandra et contemplait son visage endormi. Physiquement, elle n’avait pas trop souffert de sa plongée dans le lac. Il ne savait toujours pas si cela avait été une réelle tentative de suicide ou simplement une impulsion née d’un profond désespoir, aggravée par la maladie et l’épuisement. Mais depuis ce jour-là, il l’avait à peine quittée. Il avait été si près de la perdre !

Les autres les avaient plus ou moins laissés à eux-mêmes. Tout comme s’ils avaient connu l’état de leurs rapports, Allart sentait qu’ils étaient au courant du changement, mais cela n’avait pas d’importance pour lui.

Il savait que, dès que Cassandra pourrait quitter son lit, une décision devait être prise. Mais laquelle ? Partir en l’emmenant avec lui, l’envoyer en lieu sûr (car s’ils allaient fabriquer des armes, la tour risquait d’être attaquée), ou partir lui-même en la laissant là pour la formation de laran qu’elle devait suivre ?

Et, sans cesse, son propre laran lui montrait des images d’un voyage à cheval vers le nord, Renata à côté de lui. L’absence de Cassandra dans ces visions l’effrayait. Qu’allait-elle devenir ?

Il voyait des étendards inconnus claquant au-dessus des têtes, la guerre, le cliquetis des épées, les explosions d’armes étranges, l’incendie, la mort. Peut-être cela vaudrait-il mieux pour nous deux…

Il ne parvenait pas à retrouver le calme discipliné appris à Nevarsin. Cassandra était omniprésente dans son esprit, ses pensées et ses émotions aussi hypersensibles à sa présence que son propre corps.

Il avait rompu le vœu qu’ils s’étaient fait l’un à l’autre.

Après sept ans à Nevarsin, je suis toujours faible, toujours guidé par les sens et non par l’esprit. Je l’ai prise sans réfléchir, comme si elle avait été une des filles de plaisir du vieux Marius.

Il entendit gratter à sa porte mais avant même que ses oreilles enregistrent le son, il savait…, le moment était venu. Il se pencha et embrassa la jeune femme endormie, avec un douloureux sentiment d’adieu, puis il alla ouvrir, une fraction de seconde après le léger coup, si bien qu’Arielle cligna des yeux, surprise.

« Allart, chuchota-t-elle, ton frère, le seigneur d’Elhalyn, est en bas dans la salle des étrangers et demande à te parler. Je vais rester auprès de ta femme. »

Allart descendit à la salle des étrangers, la seule de la tour où les gens du dehors étaient admis. Il y trouva Damon-Rafaël, son écuyer silencieux et immobile derrière lui.

« Tu nous fais honneur, mon frère. En quoi puis-je te servir ?

— Je suppose que tu as entendu parler de la fin de la trêve ?

— Alors tu viens me demander de prendre les armes ? »

Avec un rire méprisant, Damon-Raphaël répliqua :

« Crois-tu que je me dérangerais moi-même pour cela ? D’ailleurs, tu me serviras mieux ici ; je n’ai guère de confiance, après ces années de retraite monacale, dans tes talents pour les armes et autres arts martiaux. Non, mon frère, j’ai une autre mission pour toi, si tu veux bien l’accepter. »

Allart eut besoin de toute sa maîtrise de soi durement acquise pour rester impassible sous le sarcasme et répondre calmement qu’il était aux ordres de son frère et suzerain.

« Tu as vécu au-delà du Kadarin ; as-tu jamais voyagé jusqu’aux terres d’Aldaran, près de Caer Donn ?

— Non, seulement à Ardais et à Nevarsin.

— Tu dois tout de même savoir que ce clan devient trop puissant. Il tient le château d’Aldaran à Caer Donn et aussi Sain Scarp et Scathfell ; et il est allié à d’autres, Ardais, Darriel et Storn. Ils sont de sang Hastur mais le seigneur d’Aldaran n’est pas venu à mon accession à la seigneurie d’Elhalyn, pas plus qu’aux fêtes de Thendara depuis de nombreuses années. Maintenant, avec cette guerre qui reprend, il est comme un grand faucon perché dans son nid montagnard, prêt à fondre sur les plaines chaque fois que nous sommes déchirés par un conflit et ne pouvons lui résister. Si tous ceux qui doivent allégeance à Aldaran devaient frapper à la fois, Thendara elle-même ne pourrait tenir. Je prévois le jour où tous les Domaines, de Dalereuth aux monts Kilghard, se trouveront sous la suzeraineté du seigneur d’Aldaran…

— Je ne savais pas que tu avais le don de clairvoyance, mon frère. »

Damon-Rafaël fit un geste d’impatience. « La clairvoyance ? Point n’en est besoin ! Quand des frères se querellent, les ennemis interviennent pour élargir le fossé. J’essaye de négocier une autre trêve – nous n’avons rien à gagner en mettant le pays à feu et à sang – mais avec nos cousins du château d’Hastur assiégés, ce n’est pas facile. Nos oiseaux messagers volent jour et nuit avec des dépêches secrètes. J’ai aussi des léroni, qui se relaient pour transmettre des messages, mais bien entendu nous ne pouvons leur confier rien de secret ; ce qui est connu de l’un l’est de tous ceux qui possèdent du laran. J’en viens à présent au service que je veux te demander, mon frère.

— Je t’écoute, dit Allart.

— Il y a longtemps qu’un Hastur n’a pas envoyé un des siens en mission diplomatique à Aldaran. Nous avons pourtant besoin d’un tel lien. Les Storn possèdent des terres à l’ouest de Caer Donn, près de Serrais au-delà des montagnes, et ils pourraient juger utile de s’allier avec les Ridenow. Alors, toutes les alliances des Hellers se trouveraient entraînées dans cette guerre. Te crois-tu capable de persuader le seigneur d’Aldaran de rester neutre, ainsi que ses vassaux ? Je ne pense pas qu’il accepterait de faire la guerre à nos côtés mais il peut être d’accord pour ne pas y participer du tout. Tu as été élevé à Nevarsin, tu connais bien la langue des Hellers. Veux-tu y aller pour moi, Allart, et essayer d’empêcher Mikhail, seigneur d’Aldaran, d’entrer dans ce conflit ? »

Allart examina le visage de son frère. La mission lui paraissait beaucoup trop simple. Damon-Rafaël méditait-il quelque trahison, ou voulait-il simplement se débarrasser de son frère, afin que les vassaux des Hastur d’Elhalyn ne soient pas divisés entre Allart et lui ?

« Je suis à tes ordres, Damon-Rafaël, mais je connais mal ce genre de diplomatie.

— Tu seras porteur de lettres de moi et tu m’enverras des dépêches secrètes par oiseaux voyageurs. Tu écriras des dépêches normales, que les espions des deux camps pourront certainement lire, mais tu enverras aussi des messages secrets, sous un sceau de matrice que moi seul pourrai ouvrir et lire. Tu es sûrement capable de fermer un sceau par un charme afin que, si d’autres yeux tombent dessus, il soit détruit ?

— C’est assez simple. »

Allart comprenait maintenant. Il ne devait pas y avoir tellement de personnes à qui Damon-Rafaël confierait le schéma unique de son corps et de son cerveau pour fabriquer un sceau de matrice ; un tel sceau était l’instrument courant des assassins, comme le téléguidage dont avait parlé Coryn.

Ainsi, je suis une des deux ou trois personnes au monde à qui Damon-Rafaël confierait ce pouvoir sur lui, parce que j’ai juré de le défendre, lui et ses fils.

« Je me suis arrangé pour que tu aies une couverture, pour ta mission, reprit Damon-Rafaël. Nous avons capturé un émissaire d’Aldaran, craignant qu’il n’ait été envoyé pour rechercher l’alliance avec les Ridenow. Mais quand ma léronis l’a sondé pendant son sommeil, ce messager nous a dit qu’il effectuait une mission personnelle pour le seigneur d’Aldaran. Je ne connais pas tous les détails mais cela n’a aucun rapport avec la guerre. Sa mémoire a été lavée à la matrice, et quand il parlera à ton gardien, bientôt je pense, il ne saura pas qu’il a été capturé ni sondé. Je me suis entendu avec ton cousin Coryn pour que tu sois apparemment porteur du pavillon de trêve qui escortera le messager d’Aldaran au nord, vers le Kadarin. Personne ne remarquera quoi que ce soit si tu poursuis simplement le voyage et les accompagne jusqu’à Aldaran. Trouves-tu cela satisfaisant ?

Quel choix aurais-je ? Il y a des jours que je sais que je dois aller dans le nord ; j’ignorais simplement que ce serait à Aldaran. Mais quel est le rôle de Renata dans tout cela ? Il ne posa pas de question, cependant, se contentant de répondre :

« Il me semble que tu as pensé à tout.

— Au coucher du soleil, mon écuyer viendra ici te remettre les documents faisant de toi mon ambassadeur et te donnant accès aux oiseaux voyageurs, dit Damon-Rafaël en se levant. Si tu le désires, je vais rendre une visite de courtoisie à ta dame. On doit croire qu’il s’agit d’une visite familiale, sans dessein secret.

— Je te remercie, mais Cassandra est souffrante et doit garder le lit. Je lui transmettrai tes respectueux hommages.

— N’y manque pas, mais je suppose, puisque tu as choisi de vivre avec elle dans la tour, qu’il n’y a pas lieu d’envoyer des félicitations. Je n’imagine pas qu’elle porte déjà ton enfant. »

Pas maintenant, peut-être jamais…

« Non, nous n’avons pas encore eu ce bonheur », répondit Allart en sentant de nouveau son cœur se serrer.

Damon-Rafaël n’avait aucun moyen de connaître ses véritables rapports avec Cassandra, ni le serment qu’ils s’étaient fait, ni les circonstances qui le leur avaient fait trahir. Il tournait simplement le fer dans la plaie au hasard. Allart jugeait inutile de gaspiller de la colère contre son frère mais il enrageait.

Malgré tout, il était tenu d’obéir au suzerain d’Elhalyn et, jusqu’à présent, Damon-Rafaël avait raison. Si les Nordiques des Hellers entraient dans cette guerre, il y aurait des ravages et des catastrophes.

Je devrais être reconnaissant, pensa-t-il, aux dieux de m’accorder un moyen aussi honorable de servir dans ce conflit. Si je puis persuader les Aldaran de rester neutres, j’aurai certes bien agi pour tous les vassaux des Hastur.

« En vérité, je te remercie, mon frère, de me confier cette mission », dit-il, avec tant de sincérité que Damon-Rafaël le regarda avec étonnement.

Quand il embrassa Allart en partant, il y eut un soupçon de chaleur dans ce geste. Ils ne seraient jamais amis, mais ils étaient plus proches en ce moment qu’ils ne l’avaient été depuis des années et – Allart le savait en s’attristant – qu’ils ne le seraient jamais.

Tard dans la nuit, il fut de nouveau appelé dans la salle des étrangers, cette fois, supposa-t-il, pour y rencontrer l’envoyé de Damon-Rafaël, apportant les sauf-conduits et les dépêches. Coryn l’attendait à la porte.

« Allart, parles-tu la langue des Hellers ? »

Allart hocha la tête en se demandant si son frère s’était confié à Coryn et pourquoi.

« Mikhail d’Aldaran nous a envoyé un messager, reprit Coryn, mais il connaît mal notre langue. Veux-tu aller lui parler dans la sienne ?

— Avec joie », répondit Allart en pensant : Ce n’est donc pas l’envoyé de Damon-Rafaël mais celui d’Aldaran. Damon-Rafaël a dit qu’on lui a sondé l’esprit. Je trouve cela injuste mais, après tout, c’est la guerre.

Quand il entra avec Coryn dans la salle des étrangers, il reconnut le visage du messager. Son laran le lui avait souvent montré mais il n’avait jamais su pourquoi : un visage juvénile, des cheveux bruns, des sourcils noirs, qui le regardait avec une amitié hésitante. Allart le salua selon le protocole des Hellers.

« Tu nous fais honneur, siarbainn », dit-il avec l’inflexion particulière donnant au mot archaïque signifiant étranger le sens d’ami encore inconnu. « En quoi puis-je te servir ? »

Le jeune homme se leva et s’inclina.

« Je suis Donal Delleray, fils adoptif et écuyer de Mikhail, seigneur d’Aldaran. J’apporte ses paroles, non les miennes, au vai léroni de la tour de Hali.

— Je suis Allart Hastur d’Elhalyn et voici mon cousin Coryn, tenerézu de Hali. Parle sans crainte. »

Sûrement, se dit-il cela ne peut être une simple coïncidence, qu’Aldaran envoie un messager au moment même où mon frère ourdit son plan ? Ou l’a-t-il conçu pour l’associer à la venue de ce messager ? Que les dieux me donnent des forces ! Je vois partout des complots et des contre-complots !

« Tout d’abord, vai domyn, dit Donal, je dois transmettre les excuses du seigneur d’Aldaran pour m’avoir envoyé à sa place. Il n’aurait pas hésité à venir en suppliant et en quémandeur, mais il est vieux et peu capable de supporter la longue route depuis Aldaran. De plus, je chevauche plus vite que lui. À vrai dire, je croyais arriver ici en huit jours mais il semble que j’ai perdu une journée en route. »

Damon-Rafaël et son sacré sondage de cerveau, pensa Allart mais il ne dit rien et attendit la requête de Donal.

« Ce sera un honneur pour nous de rendre service au seigneur d’Aldaran, dit Coryn. Que demande-t-il ?

— Le seigneur d’Aldaran me prie de dire que sa fille, son unique enfant vivante et son héritière, est affligée d’un laran tel qu’il n’en a jamais connu. La vieille léronis qui s’est occupée d’elle depuis sa naissance ne sait plus que faire. L’enfant atteint l’âge où son père craint que la maladie du seuil ne cause sa mort. Il vient donc, en suppliant, demander au vai léroni s’ils connaissent quelqu’un qui viendrait veiller sur elle pendant cette période cruciale. »

Il n’était pas rare qu’une léronis éduquée dans une tour allât guider et soigner quelque jeune héritier durant les années troublées de l’adolescence où la maladie du seuil frappait si cruellement les fils et les filles de leur caste. Un laranzu de la tour d’Arilinn avait, le premier, conseillé à Allart d’aller chercher asile à Nevarsin. Et, songea Allart, si Aldaran devenait l’obligé de Hali pour un tel service, il serait d’autant plus disposé à ne pas s’attirer la colère d’Elhalyn en entrant en guerre.

« Les Hastur d’Elhalyn, dit-il, et ceux qui les servent dans la tour de Hali se feront un plaisir d’accéder aux désirs du seigneur d’Aldaran… Qui enverrons-nous ? demanda-t-il à Coryn dans leur propre langue.

— Je pensais que tu pourrais y aller. Tu n’as pas grande envie de rester et d’être entraîné dans cette guerre.

— J’irai, certainement, à la demande de mon frère et pour sa mission, mais il me paraît malséant qu’un laranzu soit chargé de l’éducation d’une jeune fille. Elle a sûrement besoin d’une femme pour la guider.

— Mais nous n’en avons pas. Maintenant que je vais perdre Renata, j’ai besoin de Mira pour la surveillance. Et naturellement Cassandra n’est pas suffisamment formée pour cette fonction, encore moins un travail de ce genre, enseigner à une enfant le contrôle d’un don pareil.

— Renata ne pourrait-elle s’en charger ? demanda Allart. Il me semble qu’elle serait plus éloignée encore de la zone des combats qu’en retournant à Neskaya.

— Oui, Renata est le meilleur choix, mais elle ne doit pas retourner à Neskaya. Tu ne le savais pas ? Ah, non ! c’est vrai, Cassandra était malade et tu es auprès d’elle, tu n’as pas pu entendre les nouvelles des relais. Don Erlend Leynier a fait dire qu’elle ne devait pas se rendre aux tours de Neskaya mais rentrer chez lui pour son mariage. Il a déjà retardé deux fois. Je ne crois pas qu’elle voudrait le retarder encore pour aller dans un coin perdu des Hellers apprendre à une petite sauvageonne à contrôler son laran ! »

Allart jeta un coup d’œil inquiet à Donal. Avait-il entendu la réflexion injurieuse ? Mais Donal en bon messager, regardait droit devant lui, ne semblant ni entendre ni comprendre ce qui ne lui était pas adressé. S’il connaissait assez la langue de la plaine pour comprendre ce qu’avait dit Coryn ou s’il avait assez de laran pour lire leurs pensées, Allart et Coryn ne le sauraient jamais.

« Je ne crois pas que Renata soit si pressée de se marier, dit Allart, ce qui fit rire Coryn.

— Dis plutôt que c’est toi qui n’es pas pressé qu’elle se marie, mon cousin ! » s’exclama-t-il mais, voyant un éclair furibond dans les yeux d’Allart, il ajouta vivement :

« Je plaisantais, cousin. Dis au jeune Delleray que nous allons demander à la damisela Renata Leynier si elle consent à entreprendre le voyage dans le nord. »

Allart répéta les phrases consacrées à Donal qui s’inclina et répondit :

« Dites à la vai domna que Mikhail, seigneur d’Aldaran, ne voudrait pas qu’elle rendît cet immense service sans être rémunérée. En gage de reconnaissance, elle sera dotée comme si elle était la fille cadette, quand le moment viendra pour elle de se marier.

— Voilà qui est fort généreux », dit Allart, et c’était bien vrai.

L’usage du laran ne pouvait être acheté ou vendu comme un service ordinaire ; la tradition voulait qu’il ne fût rendu qu’en service à une caste ou un clan, sans rétribution. C’était là le compromis habituel mais les Leynier, tout en étant riches, n’avaient pas une fortune comparable à celle des Aldaran et Renata serait dotée comme une princesse.

Après quelques autres propos courtois, ils firent conduire Donal dans une chambre pour y attendre les dernières dispositions. Coryn dit à regret, alors qu’Allart et lui franchissaient le champ de force pour passer dans la partie principale de la tour :

— Peut-être aurai-je dû arranger ce voyage pour Arielle. C’est une Di Asturien, mais elle est nedestro et n’a pour ainsi dire pas de dot. Même si mon frère me permettait de me marier, ce qui n’est guère probable, il ne me laisserait pas épouser une jeune fille pauvre. Mais peu importe, ajouta-t-il avec un rire amer. Même si elle apportait en dot les bijoux de Carthon, un Hastur de Carcosa ne pourrait épouser une nedestro de Di Asturien ; et si Arielle avait une telle dot, son père l’offrirait certainement à un autre et je la perdrais.

— Il y a longtemps que tu es célibataire, dit Allart et Coryn haussa les épaules.

— Mon frère ne tient guère à ce que j’aie un héritier. J’ai assez de laran et j’ai engendré une demi-douzaine de fils pour leur maudit programme de sélection, mais je n’ai jamais pris la peine de voir les bébés, bien qu’on dise qu’ils ont tous du laran. Il vaut mieux ne pas trop s’attacher à eux, puisque, si je comprends bien, toutes les tentatives pour fixer le don des Hastur chez les Aillard ou les Ardais n’ont fait que causer la mort des rejetons par la maladie du seuil, pauvres petits. C’est dur pour les mères, et je n’ai pas du tout l’intention d’avoir le cœur brisé aussi.

— Comment peux-tu être aussi indifférent ? »

Pendant un instant, le masque de froideur tomba et Coryn le regarda avec une détresse réelle.

« Que puis-je faire d’autre, Allart ? Aucun fils de Hastur n’a une vie à lui, alors que les léroni de ce satané service d’étalons qu’on appelle notre caste font tous les mariages et organisent même la conception de nos bâtards ! Nous ne sommes pas tous comme toi, capables de mener une vie de moine ! » Il reprit alors son impassibilité de pierre : « Et puis après tout, ce n’est pas un devoir déplaisant envers le clan. Tant que je vis ici comme gardien, il y a bien des moments où je ne vaux pas grand-chose pour une femme, ce qui équivaut à être moine… Arielle et moi prenons ce que nous pouvons quand l’occasion le permet. Je ne suis pas comme toi, un romantique rêvant au grand amour… Vas-tu demander à Renata si elle accepte d’y aller, ou veux-tu que ce soit moi ?

— Toi, plutôt », répondit Allart.

Il savait déjà ce qu’elle répondrait, il savait qu’ils partiraient ensemble pour le nord. Il l’avait vu et revu ; cela ne pouvait être évité.

Etait-ce inévitable, aussi, qu’il aimât Renata, oubliant son amour, son honneur et son serment le liant à Cassandra ?

Jamais je n’aurais dû quitter Nevarsin, pensa-t-il. J’aurais mieux fait de me jeter du sommet rocheux le plus haut plutôt que de les laisser me forcer à partir !

Reine des orages
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